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Berlin : le moloch sans queue ni tête ?

Demandez à n’importe quel chauffeur de taxi, il vous le confirmera : cette ville change chaque jour de visage. Des chantiers à tout bout de champ, des rues déviées on ne sait trop pourquoi, une métropole en perpétuelle évolution, qui fait le bonheur des touristes et des aventuriers urbains. Vingt-et-un ans après avoir regagné son statut de capitale, Berlin se cherche encore une identité.

La cicatrice fend toujours la ville, une ligne de pavé qui sert de repère aux touristes, réminiscence d’un temps pas si lointain, où l’Allemagne et sa capitale étaient divisées. Berlin et ses plaies, quelques éclats d’obus dans des bâtiments qui attendent encore d’être res- taurés, “Stolpersteine” ou pierres du sou- venir, encastrées dans la chaussée devant les portes d’immeubles où vivaient autrefois les familles juives qui furent déportées. Berlin, capitale du royaume de Prusse, de l’empire allemand, du troisième Reich, de la RDA et finalement de l’Allemagne réu- nifiée… Avec une telle histoire, pas étonnant qu’elle soit encore et toujours en quête d’une nouvelle identité.

Lentement mais sûrement, les pouvoirs politiques convergent vers elle, mais ce n’est pas faute d’y avoir résisté. Plus d’un dépu- té avait la larme à l’œil à l’issue de ce vote historique le 20 juin 1991, actant le démé- nagement du pouvoir exécutif et législatif de Bonn vers Berlin. Ah, la République de Bonn et son charme provincial… À Berlin, le risque d’une résurgence du sentiment nationaliste, d’une nouvelle arrogance al- lait être décuplé, pensait Hans-Werner Klose, le doyen des parlementaires allemands. Il avait dit non à Berlin, mais avoue désor- mais être un fan de la capitale. D’autant que ses craintes ne se sont pas réalisées: “Au sein de l’État fédéral avec ses nombreux centres, Berlin a joué et joue à nouveau un rôle dominant”, explique-t-il aujourd’hui, “mais le pouvoir ne sera jamais complète- ment recentralisé.” Le choix de Berlin en a fait la démonstration : les Allemands, échaudés par les dictatures, sont désormais vis- céralement attachés à leur fédéralisme. Les régions, tout comme les 8 500 fonctionnaires qui officient toujours à Bonn, veillent à empêcher une trop grande concentration des pouvoirs dans la capitale.

Une mutation permanente

Mais la ville poursuit néanmoins sa mue. Chaque jour, elle grandit un peu plus, se nourrit de cette bohème nationale et inter- nationale qui y voit un formidable terrain de jeu et de création. Une ville en pleine crise d’adolescence qui enchaîne néanmoins les déconvenues: le projet de grand aéro- port n’a toujours pas décollé, les industries qui l’avaient fuie à la fin de la Seconde Guerre mondiale ne se pressent pas pour y revenir et un habitant sur cinq est menacé de pau- vreté… Mais à Berlin, le succès se mesure autrement. Ici, on est “pauvre, mais sexy”, à l’instar de ces innombrables artistes, créa- teurs et auto-entrepreneurs qui, chacun à leur manière, apportent une pierre à l’édifice berlinois.

Bref, toute capitale qu’elle soit, Berlin reste encore un chantier, une ville en devenir, formidable surface de projection. “Aussi, il faut que tu descendes de ton bus, cher étranger, mets les mains dans les poches, ne regarde plus ces immeubles, il n’y a rien à y voir. Mais, tais-toi, tends l’oreille, regarde autour de toi, respire, déplace-toi, il se passe quelque chose ici, c’est une cité géante, moderne, jeune et pleine d’avenir !” écrivait Alfred Döblin en 1928. Une invitation qui, 84 ans après, est plus que jamais d’actualité.

TEXTE : ANNE MAILLIET

Source : ParisBerlin

Article original : Berlin – le moloch sans queue ni tête?

 
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