Rap version franco-allemande
Le titre de son premier album, Le Produit de Berlin, annonce la couleur. Le rappeur Le First détonne dans le milieu du hip-hop allemand: il écrit et chante en français, une langue qui le “fascine”.
Dépendants de la bonne rime, ils ne sont pas nombreux les rappeurs à s’exprimer dans une langue étrangère. Mais avec un père français et une mère allemande, Christof Laubisch, alias Le First, est né avec le multiculturalisme dans le sang. Une richesse qu’il cultive notamment sur les bancs du réputé lycée français de Berlin. Le monde du hip-hop, il le découvre plus tard, après les cours, grâce au graffiti, son premier moyen d’expression. “Toute ma vie est un grand écart. Au lycée français, je faisais “Le King” simplement parce que j’étais le seul graffeur”, s’amuse presque ce désormais rappeur le week-end, et étudiant la semaine dans une académie de théâtre à Usedom.
Dans les rues de Berlin, il découvre et s’inspire du rap français, de Booba à Rohff, en passant par Cynique. Le stylo remplace la bombe de peinture, les mots lui viennent rapidement en français, “une langue tellement poétique, qui coule plus que l’allemand.” Dans son premier album solo, Le Produit de Berlin, sorti l’été dernier, “Le First” réussit à “faire rimer les deux langues” avec quatre nouveaux duos franco-allemands. Pour le titre Teil einer Familie, il conseille à son mentor Liquit Walker “de faire du verlan”, et donc mixer un “style de rap français avec la langue allemande”. “Par exemple, Liquit dit “Ter-va” au lieu de “Vater”(père)”.
Ce premier opus sonne comme une thérapie pour un rappeur sans cesse en quête de son identité, “en lutte contre cette société où il faut avoir une place bien définie. Je revendique mon identité multiple.” L’artiste expose ses cicatrices comme dans un hommage à son meilleur ami graffeur, tombé dans la drogue et mort accidentellement. Christof en profite aussi pour dénoncer la perte des valeurs de “Liberté, Égalité, Fraternité” dans une reprise très surprenante de La Marseillaise.
Pas de bling-bling
Son rap, qui s’insère dans l’étroit sillon tracé par des groupes comme Freundeskreis ou Zweierpasch, a su rencontrer son public grâce au bouche à oreille : “Beaucoup d’Allemands écoutent du rap français, ça en incite même certains à apprendre la langue. Pour d’autres, ma musique leur rappelle surtout les cours douloureux de français.” Si les ventes de son album restent encore modestes, Christof refuse par principe toute approche bling-bling : “Je ne suis pas milliardaire avec une Lamborghini devant la maison, c’est important d’avoir une vie à côté.” Une lucidité qui ne l’empêche pas d’avoir des rêves à 26 ans: “Faire du théâtre en allemand, des films français et de la musique franco-allemande.” De nouveaux grands écarts en perspective.
TEXTE : ADRIEN GODET
Source : ParisBerlin
Article original : Du rap en version très originale