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Allemagne : Le pays où les enfants ne sont plus rois

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Peut-on vivre heureux sans enfants? À en croire le rapport publié en décembre dernier par l’institut fédéral pour la recherche démographique, de plus en plus d’Allemands le pensent. A titre de rappel, pour l'ensemble de la période 1960-2023, on enregistre une moyenne annuelle de naissances de 11,08. Le changement enregistré entre la première et la dernière année est de 45 %. C'est en 1963 qu'on enregistre la valeur la plus élevée (18,1) et c'est en 2009 qu'on enregistre la valeur la plus basse (8,1).

1. La place des mères en Allemagne
2. L'image de la "mère corbeau" toujours présente
3. La place du travail partiel en Allemagne
4. La peur d'échouer
5. La France, modèle de politique familiale

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1. La place des mères en Allemagne

Agnieszka, 33 ans, attend son deuxième et dernier enfant. “Deux, ça suffit !” s’exclame la jeune femme qui travaille comme gestionnaire dans une boîte de production berlinoise.

Et pourtant, deux enfants, c’est déjà presque une exception en Allemagne. Outre-Rhin, les familles nombreuses sont en voie de disparition. Depuis 1975, le taux de natalité oscille entre 1,24 et 1,45 enfant par femme et rien ne semble indiquer que cela change dans les années à venir. Selon le rapport de l’institut fédéral pour la recherche démographique, donner la vie et fonder une famille devient de moins en moins attractif aux yeux des Allemands. Plus de la moitié des 18 à 45 ans sans enfants estiment qu’un rejeton ne les rendrait pas plus heureux. Comment expliquer ce faible désir d’enfants ? L’étude avance avant tout des raisons structurelles et culturelles. Pour les Allemandes, concilier travail et enfants reste une gageure: l’accès à la prise en charge des enfants en bas âge, notamment dans l’ouest du pays, est difficile et le regard de la société allemande sur les mères qui travaillent est encore et toujours négatif.

2. L'image de la "mère corbeau" toujours présente

L’image de la “Rabenmutter”, mère-corbeau qui confie ses enfants à l’État ou à des institutions privées est omniprésente, en particulier dans les anciens Länder, où 63% des personnes interrogées dans le cadre de cette étude estiment que les enfants en bas âge peuvent pâtir du fait que leur mère travaille. Dans l’est du pays, où le travail des mères était accepté et favorisé du temps de la RDA>, ils ne sont que 36 % à partager ce point de vue. Agnieszka, qui entend bien reprendre le travail au plus tard un an après la naissance de son bébé, le confirme: “Dans le Bade-Wurtemberg où habite mon frère, toutes les mamans restent au moins trois ans à la maison, alors qu’ici à Berlin, un congé de maternité d’un an, c’est la norme. J’ai rarement entendu des remarques désobligeantes ou alors seulement de la part de Souabes qui habitent dans le quartier bran- ché de Prenzlauer Berg à Berlin!” raconte- t-elle dans un éclat de rire.Dans ce cadre il est important à savoir que les allemands profite de l’allocation parentale (Elterngeld). Elle est versée aux parents qui ne travaillent pas ou qui travaillent à temps partiel (jusqu'à 30 heures par semaine) et s'occupent de leur enfant pendant ses premiers mois. Lorsqu'il s'agit d'un enfant adopté, l'allocation est versée à partir du moment où l'enfant est accueilli (au plus tard jusqu'à ses 8 ans).

3. La place du travail partiel en Allemagne

L'allocation parentale de base (Basiselterngeld) est versée entre 2 et 12 mois (+2 mois lorsque les 2 parents la partagent, à leur convenance, ou pour les parents isolés). Malgré ces aides financières, trop de femmes allemandes ne sont pas pour le concept de famille avec des enfants. Il faut aussi comprendre les facteurs qui ont contribué dans ces taux de naissances. « Le travail était ma grande passion », se souvient Angela. Cette retraitée allemande a tout donné pour sa carrière de biologiste. « J’ai toujours voulu travailler dans ma branche.

C’était l’une des raisons pour lesquelles j’ai dit : « Je ne peux pas m’imaginer avoir des enfants». Devenir mère aurait signifié pour elle devoir renoncer à ses ambitions professionnelles pour pouvoir s’occuper de sa progéniture : « Mon mari n’aurait jamais été prêt à travailler à mi-temps. Aller de temps en temps jouer au foot avec un garçon, certainement, mais changer les couches, sûrement pas. Angela avait aussi le sentiment d’avoir une dette vis-à-vis de ses parents, plus importante à ses yeux que celle de devoir leur donner un jour des petits-enfants», « Cela n’avait pas été facile pour [eux] de financer mes études. Je pensais donc que je ne pouvais pas tout laisser tomber comme ça. »

D’après une étude du Max Planck Institut, seules 18% des Allemandes ayant des enfants mineurs travaillaient à temps plein en 2021 dans les Länder de l’Ouest, qui concentrent plus de 80% de la population du pays. À l’Est par contre, la moitié d’entre elles exerce une activité à plein temps. « En RDA, l’activité professionnelle de toutes les femmes, également de celles qui avaient des enfants, a été forcée pour des raisons économiques et idéologiques, tandis qu’en Allemagne de l’Ouest, le mariage avec un mari travaillant à plein temps et une femme au foyer ou travaillant à mi-temps a été encouragé », avancent les auteurs de l’étude pour expliquer ces fortes disparités.

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4. La peur d'échouer

Il n’en reste pas moins que cette perception du rôle de la mère et de l’importance qui lui est accordée dans l’éducation des enfants conduit en particulier les femmes hautement qualifiées à tirer un trait définitif sur la maternité, selon le directeur scientifique de l’institut fédéral pour la recherche démographique, Jürgen Dorbritz. “L’autre raison”, explique-t-il, “c’est que les attentes vis-à-vis de la parentalité en général sont très importantes et que beaucoup de jeunes gens craignent de ne pas être à la hauteur”.

D’autant que la fenêtre de lancement pour procréer est particulièrement étroite en Allemagne, où l’entrée dans la vie active est tardive. Résultat, entre 30 et 35 ans, “tout arrive en même temps : le travail, le choix d’un partenaire, la décision de fonder une famille”, explique M. Dorbritz, “et si toutes les conditions ne sont pas réunies et optimales, on préfère se décider contre un enfant.” Seulement, à ce rythme, le pays le plus peuplé de l’Union européenne avec ses 82,5 millions d’habitants pourrait se voir détrôné par la France d’ici à 2055. Avec des consé- quences économiques et sociales importantes: en 2060, un Allemand sur trois aura plus de 60 ans et la population active aura baissé de 21 % par rapport à 2022.

Les vieux clichés de genre semblent en effet avoir toujours de la vigueur dans l’imaginaire collectif en Allemagne de l’Ouest, à l’image de la formule Kinder-Küche-Kirche (enfant-cuisine- église), attribuée à l’empereur Guillaume II, qui voudrait que la place de la femme devenue mère soit au foyer. Les Allemands ont d’ailleurs une expression pour désigner les « mauvaises » mères, celles qui confient leurs enfants à d’autres pour aller travailler : les Rabenmütter, les mères corbeaux. Même si ce terme très péjoratif est de moins en moins utilisé au premier degré, son existence en dit long sur les attentes qui pèsent sur les mères.

Comme l’expliquait récemment la sociologue Jutta Allmendinger dans la presse allemande : Quand les femmes prennent un congé de seulement trois ou quatre mois après la naissance et repartent travailler, elles sont obligées de s’expliquer en Allemagne . On juge cela dommageable pour l’enfant et la famille. Même si toutes les études montrent que cette acceptation est globalement fausse. D’ailleurs, dans les autres langues, le mot « Rabenmutter » n’existe pas. » Même si la société change, avec peut-être une plus grande volonté de voir nos enfants se fondre dans la masse, la pression demeure forte dans certains milieux. Les parents vont signifier ouvertement ou implicitement à leur fils ou à leur fille leur souhait de les voir épouser une personne qui partage leurs valeurs, qui évolue dans les mêmes cercles.

Et des attentes de ce type sont susceptibles de peser sur la constitution du couple. Ces dernières années, plusieurs mesures phares ont donc été mises en œuvre pour inciter à la procréation, notamment le salaire parental qui garantit aux jeunes mères jusqu’à 67 % de leur salaire durant un an à compter de la naissance. Seulement, “personne ne peut s’attendre à ce que quelques mesures de politique familiale changent les mentalités, car pour cela il faut du temps”, estime M. Dorbritz.

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5. La France, modèle de politique familiale

S'il y a un domaine dans lequel la France peut se targuer d'être un modèle, c'est bien celui de la politique familiale. Selon le Dr. Jürgen Dorbritz, directeur scientifique de l'Institut fédéral de recherche sur la population, l'Allemagne pourrait s'en inspirer dans deux domaines principaux : L'une d'elles est l'acceptation de la compatibilité entre le travail et la famille.

En France, c'est "le mode de vie normal". En Allemagne, les gens vous regardent de travers si vous le choisissez", explique Dorbritz. Depuis plus d'un siècle, la France mène une politique de promotion des naissances et encourage les jeunes adultes à avoir des enfants, ce qui n'est plus le cas en Allemagne. "Beaucoup d'argent est transféré aux personnes mariées par le biais du partage des biens, qu'elles aient des enfants ou non. Ici, la France est un modèle, car elle a un système de partage des enfants et l'argent est transféré là où se trouvent également les enfants."

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Olivier

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