Les maisons de naissance en Allemagne pour accoucher
L’Allemagne compte environ 150 maisons de naissance, des structures gérées par des sages-femmes libérales qui suivent les femmes enceintes et assurent les accouchements. La première d’entre elles vient de fêter ses 25 ans. Reportage.
2. Libre choix
3. Des risques en cas de transfert
4. Seulement 2% des naissances à domicile
Antje Litzmann doit accoucher dans deux semaines de son deuxième enfant. “Mais c’est possible que ça arrive plutôt”, sourit-elle, les yeux sur son ventre rond. La jeune femme de 29 ans reste pourtant calme. Elle a rendez-vous ce matin pour son suivi dans la maison de naissance berlinoise de Charlottenburg. C’est aussi là qu’elle va mettre au monde son bébé, dans l’une des quatre chambres d’accouchement de la maison, décorées et meublées avec des couleurs chaudes, loin des lits médicalisés et des salles blanches des hôpitaux. “Pour mon premier enfant, j’étais très incertaine en ce qui concernait la douleur. Alors j’ai pensé, mieux vaut aller à l’hôpital”, raconte la jeune femme. “Mais à aucun moment je n’ai eu l’impression que j’aurais aimé une anesthésie.” Pour la deuxième naissance, l’enseignante-chercheuse à l’université technique de Berlin a donc opté pour la maison de naissance plutôt que pour l’hôpital ou la clinique. Ici, l’accouchement se fait sans anesthésie d’aucune sorte. Seules l’acupuncture, l’homéopathie et les huiles essentielles sont utilisées.
La maison de naissance de Berlin-Charlottenburg est l’une des 150 structures de ce type en Allemagne. C’est aussi la plus ancienne : elle a fêté ses 25 ans en octobre. Les maisons, gérées par des sages-femmes libérales, assurent le suivi des femmes enceintes, donnent des cours de préparation et réalisent les accouchements, sans médecin, sans césarienne ni péridurale, avec la seule force de la nature et de la parturiente. “Dans les années 70 et 80, on a assisté dans toute l’Europe à une vague de médicalisation de l’aide à la naissance, pour lutter contre la mortalité maternelle et infantile”, explique Christine Bruhn, directrice de la maison. “C’était positif. Mais on a aussi un peu jeté le bébé avec l’eau du bain.” En réaction, une première association s’est créée en Allemagne dans les années 80. “Elle était portée par des sages-femmes, mais aussi par des femmes qui avaient eu des expériences diffi files d’accouchement, des sociologues et des féministes. La pensée centrale, c’était une naissance librement choisie, en ce qui concerne, par exemple, la position pendant l’accouchement.”
À la maison de Charlottenburg, 40 à 50 % des naissances se font dans l’eau, dans des baignoires adaptées. Le scepticisme était de mise à l’ouverture de la structure en 1987. “Aujourd’hui, les études ont prouvé que l’accouchement en maison de naissance est sûr, avec évidemment beaucoup moins de césariennes”, rapporte la directrice. Mais seules les femmes à grossesses sans risque peuvent accoucher dans ces structures. Porter des jumeaux, souffrir de diabète ou avoir rencontré certaines complications lors d’un précédent accouchement sont autant de contre-indications strictes. “C’est très réglementé par les caisses d’assurance maladie, qui prennent en charge les coûts de suivi et d’accouchement”, explique Janka Kreye, sage-femme depuis 15 ans à la maison de Charlottenburg. 5 700 enfants ont poussé ici leur premier cri. 14 sages-femmes libérales y travaillent. Pendant l’accouchement, une sage-femme s’occupe d’une seule femme, et reste avec elle jusqu’à la fin. “À l’hôpital, j’ai eu quatre sages-femmes différentes”, souligne Antje Litzmann. Une fois l’enfant mis au monde, les femmes peuvent rentrer chez elle quelques heures après seulement. Le suivi se fait ensuite au domicile, et se poursuit pendant six mois.
Avec ses 320 naissances annuelles, la structure a dû déménager il y a cinq ans dans des locaux plus grands. Elle occupe aujourd’hui 400 m2 juste à côté d’une clinique dotée d’une maternité. “En cas de problème ou de douleurs trop fortes, la femme peut aller directement à la maternité. Il n’y a que 100 mètres à faire”, explique la sagefemme. Entre 15 et 20 % des accouchements débutés dans la maison se terminent dans la clinique voisine. “Mais il ne s’agit pas forcément d’urgences”, précise Christine Bruhn. Les femmes suivies ici le sont aussi en parallèle par un gynécologue. “La coopération fonctionne bien avec de nombreux médecins, et pas du tout avec certains”, témoigne Janka Kreye. “Il y a encore des gynécologues qui associent la maison de naissance avec des accouchements à problème, des enfants handicapés…” La directrice Christine Bruhn, psychologue de profession, a elle-même accouché en dehors d’un hôpital. “Je pensais qu’accoucher, ça devait se faire tout seul. C’est important de savoir qu’on peut faire ça soi-même.” La sage-femme abonde dans le même sens : “Je dis toujours aux femmes qui ont lutté pendant l’accouchement : Si vous arrivez à donner naissance de vos propres forces, vous arriverez à tout.”
Pour le groupement allemand des gynécologues, un accouchement en maison de naissance est sûr seulement si la structure se trouve tout près d’une maternité. 15 % des femmes doivent être transférées en cours d’accouchement vers une clinique ou un hôpital. Or 20 % des trajets ont duré plus de 30 minutes en 2023. Le groupement des gynécologues allemands souligne que “quelques minutes peuvent être décisives pour la santé et la vie” de l’enfant et de la mère.
Plus courants qu’en France, les accouchements à domicile ou en maison de naissance restent rares en Allemagne : seulement 2 % des naissances. Aux Pays-Bas, près d’un tiers des femmes accouchent en dehors des maternités. L’Allemagne affi che par ailleurs une proportion très élevée de césariennes : plus de 30 % des naissances. En France, le taux tourne autour de 20 %. Celui de recours à la péridurale y dépasse 70 %.
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Olivier