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Tanzverbot : pourquoi certains jours fériés interdisent de danser en Allemagne

Si vous habitez Munich, Stuttgart ou même ailleurs en Allemagne, vous avez alors déjà dû entendre parler de la Tanzverbot, une interdiction de danser certains jours fériés ! Cette interdiction est même protégée par la loi dans certains Länder. Voici quelques explications sur cette étonnante tradition...

1. L’histoire de la danse
2. Une interdiction protégée par la constitution et les tribunaux
3. Les jours considérés comme stille Tage en Bavière
4. Une loi que les instances juridiques veillent à faire respecter
5. Berlin, capitale européenne de la techno, aussi concernée !
6. La question de la culture dominante

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1. L’histoire de la danse

Qui l’eût cru ? La danse n’a pas toujours fait que des adeptes. De l’indécence à l’œuvre du diable…

Partie inhérente de l’éducation éthique et esthétique chez les Grecs qui l’enseignaient à leurs soldats, on se gardait bien de l’apprendre aux jeunes filles à Rome, où elle ne semblait pas convenir à la gravité des mœurs : “Il n’y a presque personne qui ne se permet de danser tant qu’il est jeune”, disait Cicéron.

Associée à la vie corrompue de Rome et de ses sujets, l’église, limitant l’usage de la danse aux cérémonies religieuse, condamna son usage social et au Moyen-Âge, elle fut interdite par certains consuls et évêques catholiques. Plus tard ce furent au tour des danses comme le tango ou le rock d’être condamnées : la proximité des partenaires était considérée comme immorale. Aujourd’hui encore, c’est bien les critères de la convenance et du respect des mœurs qu’invoquent les textes de lois bavarois.

2. Une interdiction protégée par la constitution et les tribunaux

Protection par la loi : une tendance nationale…

De manière générale, la loi fondamentale avec son article 140 invite les Allemands à rester au calme les jours fériés : “Le dimanche et les jours fériés sont reconnus par l’État comme jours de chômage et d’élévation spirituelle”.

Mais certains Länder vont plus loin et interdisent les manifestations culturelles ou sociales dont le caractère trop festif viendrait trahir le sérieux de l’événement commémoré. Ainsi l’article 3 paragraphe 2 de la loi bavaroise sur les jours fériés précise que “les manifestations publiques à caractère festifs ou distractifs les jours de repos (stille Tage) ne sont autorisés que dans la mesure où ils n’entravent pas leur caractère sérieux”.

3. Les jours considérés comme stille Tage en Bavière

Le nombre de “stille Tage” varie d’un Land à l’autre et la loi est plus ou moins suivie ou interprétée selon le degré de conservatisme des Länder. En Bavière et dans le Bade- Wurtemberg, où les traditions sont encore fidèlement respectées, le “Tanzverbot” se traduit par une annulation de certains concerts, de manifestations sportives et une fermeture des discothèques les soirs concernés. Pour les établissements qui ouvrent quand même leurs portes, il est de mise de diminuer le prix de la consommation, d’informer les clients à l’entrée et de diffuser une musique plus calme invitant davantage à la conversation qu’à une danse effrénée. Aux visiteurs les plus réticents, on rappelle calmement que l’interdiction de danser est de rigueur et est protégée par la loi.

4. Une loi que les instances juridiques veillent à faire respecter

La loi sur les jours fériés peut comme toute loi être appliquée avec une flexibilité plus ou moins grande. Deux affaires ont toutefois montré que les tribunaux n’étaient pas prêts à relâcher la pression les jours fériés. Une pétition demandant une révision du “Tanzverbot” a été refusée en Bade-Wurtemberg alors qu’un an plus tôt, la plainte d’une avocate et gérante de discothèque, Suzanne Müller, réclamant le droit à l’ouverture de son établissement les Vendredis Saints, avait été rejetée par le tribunal de Bavière.

Défense des intérêts financiers des discothèques ou réaction à un conservatisme qui ne correspond plus à l’air du temps, les contestations sont de plus en plus nombreuses.

5. Berlin, capitale européenne de la techno, aussi concernée !

Cette tradition est tellement prise au sérieuse, que même Berlin, la capitale européenne de la musique techno est concernée ! Le Vendredi Saint par exemple, de 4 heure du matin à 6 heure du soir, il est interdit de danser dans la ville en respect pour les fidèles qui se recueillent devant la souffrance puis la mort de Jésus Christ.

Si cela semble impensable, la situation juridique à Berlin reste toutefois beaucoup plus souple qu’ailleurs ! En dehors du Vendredi Saint, l'interdiction de danser à Berlin s’applique uniquement lors du Volkstrauertag (19 novembre) et du Totensonntag (26 novembre). Ce n’est rien comparé à la Hesse qui détient le record : les fêtards doivent - du moins en théorie - s’abstenir de danser pendant 15 jours !

Et même si cette tradition semble être en partie considérée comme dépassée puisque le SPD de Berlin a décidé de l’abolir en 2016, rien n’a vraiment changé depuis...

6. La question de la culture dominante

Comment peut-on accepter une telle influence de la religion sur notre vie privée ? La question revient en boucle sur les forums de discussion allemands, notamment chez les jeunes internautes.

En Allemagne, la loi Fondamentale oblige l’État à la neutralité religieuse. C’est à dire qu’elle empêche l’introduction d’une religion d’État ou d’une Église d'État et interdit de privilégier une confession. Cependant, l’Allemagne, État séculier, entretient un tout autre rapport que la France avec la religion. Les relations Église/État s’inscrivent en effet davantage sous le signe de la coopération, l’État participant au financement des communautés religieuses par le biais de subventions directes et d’un impôt cultuel, prélevé aux citoyens baptisés qui n’auraient pas abjuré.

De plus, l’article 7 de la loi fondamentale fait de la religion une matière obligatoire dans les écoles publiques, même si les enfants ne sont pas forcés d’y participer. Cependant la coopération Églises/État est plus discrète dans certains Länder que dans d’autres comme Brême, Hesse et surtout dans les nouveaux Länder. Elle fait donc de plus en plus polémique là où elle est la plus forte comme en Bade-Wurtemberg, en Rhénanie-Palatinat ou encore en Bavière, où “l’affaire des Crucifix” a relancé le débat de la légitimité d’une culture dominante.

L’influence de la tradition catholique sur la vie publique dans certains Länder allemands est donc régulièrement contestée tout en étant encore bien réelle et tolérée par une majorité de la population. Il semble qu’on aura beau tirer la chevillette, la bobinette des discothèques et de certaines salles de spectacle ne cherrera pas encore l’an prochain. Les plus réfractaires pourront toujours se consoler avec nos voisins anglais et irlandais, qui connaissent la même interdiction certains soirs de jours fériés.

Bon séjour en Allemagne !

Johanna

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